Euthanasie

L’euthanasie est-elle vraiment une « bonne mort » ?
G
lossaire
Dernière mise à jour : 11/13/2025
comp.: active / passive / légale
Mort préférable : Un pays favorable à la peine de mort exprime que dans sa lecture sociale, la mort de tel individu est « préférable » pour telle ou telle raison (crime intolérable, risque de récidive, exemplarité…).
L’eu-thanasie (bonne mort en grec) est une mort préférable également. La Société l’accueillant considère que la mort est préférable à telle situation.
Selon Hésiode : Thanatos est le fils de Nyx (la Nuit), épouse d'Érèbe (les Ténèbres), qu'elle a engendré seule, et est le frère jumeau d'Hypnos (le Sommeil).
Approche philosophique : Est-on vraiment libre, quand la mort est préférable à la vie ?
Le philosophe Jacques Ricot en doute :
« Quand on se suicide, c’est finalement qu’on ne voit pas d’autre issue possible. Que l’on a perdu sa liberté. »
« Quand on se fait du mal, on n’est pas libre », abonde Bertrand Vergely, philosophe et théologien. « Respecter les autres est le fondement de notre humanité, de la société et de la civilisation », affirme-t-il. Et « ce respect est indissociable du respect de soi-même. Quand on respecte les autres, on se respecte. Quand on se respecte, on ne se maltraite pas. » (Gènéthique)
Légalisation ? la plupart des pays accueillant l’euthanasie (Belgique…) insistent sur le fait qu’ils n’ont pas légalisé l’euthanasie, mais ont « seulement » dépénalisé l’acte euthanasique.
Cette insistance met en relief que l’euthanasie n’est pas « normale » dans une société civilisée. Elle porte frontalement atteinte à l’interdit de tuer, fondateur de toute civilisation. Par ailleurs, les soignants sont atteints par cette « dérogation » liée à la dépénalisation puisque le plus souvent, il est demandé que ce soient eux qui accomplissent le geste, qui remplace dans la majorité des cas un suicide.
Le poids à porter étant peu supportable pour la plupart, une clause de conscience est proposée. Mais l’évolution des pratiques et des législations étrangères révèle que la clause de conscience est rognée progressivement.
Le recours systématique à des euphémismes (aide à mourir…), encore 20 ans après, est également lié à la dureté de l’acte et de son principe même. La mort provoquée est pourtant le terme le plus adapté aux diverses hypothèses d’euthanasie (active/passive), suicide assisté, assistance au suicide…
Les euphémismes et périphrases deviennent systématiques dans le débat pour contourner les obstacles voire induire en erreur (comme pour les termes dignité et plus encore accompagnement).
L’insuffisance des effectifs de soignants acceptant d’accomplir ce geste non soignant conduit à mettre la pression sur l’ensemble des soignants et transformer le geste en « soin » donc obligatoire pour la communauté soignante. C’est aussi la raison de l’obligation, en 2023, faite aux lieux de soins palliatifs au Québec d’accueillir l’euthanasie.
La distinction entre euthanasie passive et active a été progressivement abandonnée. La frontière entre les deux était difficile à poser : débrancher une personne sous respirateur artificiel relève-t-il de l’actif ou du passif ? Elle va mourir étouffée par insuffisance respiratoire (passivité), mais geste « actif » a été accompli…. L’euthanasie étant un acte qui tue immédiatement, une telle distinction est dénuée de sens pour de nombreux praticiens.
Conseil d'État, 1ère chambre, 9 mars 2023, 453481, Inédit au recueil Lebon
L’office fédéral de la justice suisse propose les définitions suivantes pour « les différentes formes d’assistance au décès » :
1- Euthanasie active directe :
- Homicide intentionnel dans le but d’abréger les souffrances d’une personne. Le médecin ou un tiers fait intentionnellement au patient une injection qui entraîne directement la mort de ce dernier.Cette forme d’euthanasie est aujourd’hui punissable (en Suisse) selon les articles 111 (meurtre), 114 (meurtre sur la demande de la victime) ou 113 (meurtre passionnel) du code pénal (CP).
2- Euthanasie active indirecte :
- Pour soulager des souffrances, des substances (morphine...) sont administrées dont les effets secondaires sont susceptibles de réduire la durée de la survie. Le fait que le décès puisse ainsi survenir prématurément est accepté.Cette forme d’euthanasie n’est pas expressément réglée dans le code pénal suisse, mais elle est considérée comme admise. Les directives en matière d’euthanasie de l’Académie suisse des sciences médicales (directives ASSM) considèrent également qu’elle est admissible.
3- Euthanasie passive :
- Renonciation à la mise en œuvre de mesures de maintien de la vie ou interruption de celles-ci. (Exemple: débranchement d’un appareil à oxygène).
- Cette forme d’euthanasie n’est pas non plus réglée expressément par la loi (suisse), mais elle est considérée comme permise ; les directives de l’Académie suisse des sciences médicales en donnent une définition semblable.
4- Assistance au suicide :
- Seul celui qui, "poussé par un mobile égoïste", prête assistance au suicide de quelqu’un (par ex. en lui procurant une substance mortelle) est punissable, selon l’art. 115 CP, d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.L’assistance au suicide consiste à fournir au patient la substance mortelle qu’il ingérera alors lui-même, sans intervention extérieure, pour mettre fin à ses jours.
- Des organisations telles que Exit fournissent une assistance au suicide dans le cadre de la loi (suisse). Elles ne sont pas punissables tant qu’aucun motif égoïste ne peut leur être reproché.
5- Mesure de médecine palliative :
- La médecine et les soins palliatifs comprennent les traitements médicaux et les soins corporels, mais aussi le soutien psychologique, social et spirituel apporté au patient et à ses proches.Les soins palliatifs peuvent améliorer sensiblement la qualité de vie des personnes gravement malades et des mourants, et diminuer ainsi le désir de mourir.
Orientation euthanasique
L’euthanasie pourrait être classée selon sa cause :
- Euthanasie sociale : âgisme, « 75 ans vie accomplie » (envisagé aux Pays-Bas), surpopulation, indésirables…
- Euthanasie médicale (en lien avec l’échec de guérison ou de soins administrables)
- pour souffrance réfractaire : on supposerait une pathologie incurable, mortelle et causant des souffrances réfractaires
- pour handicap (mental, physique : autisme, paraplégie…)
- pour dépression (pathologie de lassitude de vie ou de désir de mort)
- Euthanasie eugénique : la Société considère que mieux vaudrait ne pas vivre que vivre dans tel ou tel état (cf arrêt Perruche, Ass. Pl. 17 nov. 2000) (« dès lors que les fautes commises par le médecin et le laboratoire dans l'exécution des contrats formés avec Mme X... avaient empêché celle-ci d'exercer son choix d'interrompre sa grossesse afin d'éviter la naissance d'un enfant atteint d'un handicap, ce dernier peut demander la réparation du préjudice résultant de ce handicap et causé par les fautes retenues »)
- Euthanasie économique : accessible aux personnes en situation d’extrême précarité et donc de souffrance socio-économique
- Euthanasie affective : quand un conjoint demande à mourir après la mort de l’autre ou avec lui
Ainsi présentée, l’euthanasie prend un autre visage, moins médiatique mais correspondant en réalité aux diverses hypothèses rencontrées.
Documentation
L'euthanasie (Que sais-je ? 2016) Le droit de la fin de vie (N. Aumonier, B. Beignier, Ph. Letellier, pp. 92 à 116)
S. Sterckx, K. Raus, B. Vanderhaegen, Euthanasia in Belgium : Shortcomings of the Law and Its Application and of the Monitoring of Practice. (J Med Philos. 2021 Jan 25;46(1):80-107. doi: 10.1093/jmp/jhaa031. PMID: 33491735).
Critique de propos erronés diffusés par l’ADMD
Collège des médecins du Québec
Arrêt Perruche, Ass. Pl. 17 nov. 2000, n° arrêt Perruche, n° 99-13.701
P. Favre : Les mots de la fin de vie : ne pas occulter les termes du débat (Fondapol, mars 2024)
