Canada / Québec

Peut-on s’inspirer des législations canadiennes pour la fin de vie en France ?
G
lossaire
Dernière mise à jour : 12/13/2025
- Canada : MAID (medical assistance in dying) = euthanasie + suicide assisté (euthanasie très majoritaire)
- Québec : AMM (aide médicale à mourir) = euthanasie (seulement)
L’exemple québécois révèle un pays 8 fois plus petit que la France en population n’ayant légalisé la mort provoquée qu’en 2015 (contre 2001 pour les Pays-Bas) mais occupant aujourd’hui la première place mondiale avec 7,6 % des décès au Québec par mort provoquée.
L’euthanasie "aspire" le suicide assisté quand les deux sont proposés, et le mouvement initié prévoit que ces causes de décès seront prochainement les premières au Québec.
Quant aux « verrous » législatifs posés par les diverses législations, tous ont été brisés en quelques années, les souffrances insupportables en fin de vie cédant la place aux souffrances psychiques (dépressions), psychiatriques (autisme), handicaps (moteur ou mental), souffrances affectives (vouloir suivre son conjoint dans la mort) sans oublier la précarité financière.
Engrenage de la légalisation : la pente glissante
- 2015, la Cour suprême du Canada modifie le Code criminel du pays et supprime l’illégalité de l’aide au suicide.
- 2016, la loi C-14 autorise la prestation de l’aide médicale à mourir (AMM) aux adultes admissibles dont le décès est « raisonnablement prévisible ».
- 2019, l’affaire « Gladu-Truchon » (concernant des plaignants ne présentant pas les bons critères pour répondre à l’AMM) conduit à invalider les dispositions du Code criminel qui admettait des conditions à la fin de vie.
- 2020 : la loi, C-7 permet aux personnes atteintes de maladies incurables, associées à un déclin irréversible de leurs capacités, d’accéder à l’AMM.
- 2021 :
- projet d’élargissement aux mineurs matures de 14/17 ans mais pas pour dépression semble-t-il (« la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap » au titre de l’admissibilité relative à l’aide médicale à mourir).
- projet d’AMM (MAID : medical assistance in dying) pour les bébés de moins d’un an (« victimes de souffrances extrêmes qui ne peuvent être soulagées, couplées à des pronostics très sombres, et affectés par des malformations sévères ou des syndromes poly-symptomatiques graves, qui annihilent toute perspective de survie. »)
- 2023 : face au mauvais respect de la réglementation (élargissement aux personnes handicapées not.), certains s’interrogent sur une « marche arrière » à réaliser : Les réalités de l’aide médicale à mourir au Canada, Marche arrière pour Ottawa sur les maladies mentales ? The Globe (4 nov. 2023)
- Maladies mentales : en 2023 le projet du gouvernement fédéral d’étendre l’AMM aux personnes souffrant de maladie mentale divise le pays malgré une pause d’un an visant à établir des protections adéquates pour les patients et des directives pour le personnel de la santé.
- Le 30 janvier 2024 : le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir (AMAD) considère que « le système de santé au Canada n’est pas prêt pour l’aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est le seul problème médical (AMM TM-SPMI) »
Incitation à recourir à l’euthanasie pour les personnes en situation de précarité financière :
- Face à l’insuffisance de personnel et de moyens, les personnes accueillies en soins palliatifs sont redirigées vers l’euthanasie ou sédatées. Les accueils en soins palliatifs se font in extremis avec des états pathologiques fortement dégradés ou avancés.
- Poids social : En 2024, plus d'un tiers des Canadiens ayant subi une euthanasie déclarent que leur décision est motivée par le sentiment d'être un fardeau pour leur famille, leurs amis ou leurs aidants (4,1% des décès au Canada sont dus à la mort provoquée).
L'augmentation de l'euthanasie au Canada : une alerte pour la France ?
- 2015, au Canada, une femme (Kay Carter) souffrant de sténose lombaire se fait euthanasier en Suisse. Ses enfants militent alors pour la légalisation de l'aide médicale à mourir (AMM). C'était le cas Carter, à l'origine de la légalisation de l'euthanasie au Canada, c'était en 2016. (Carter c/ Canada : les dispositions législatives visant à interdire l’aide à mourir portent atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne selon l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés). La décision de la cour ne prévoyait pas de critère de mort raisonnablement prévisible, contrairement à la loi.
- Dès le dépôt de la loi des militants (dont les enfants Carter) alléguèrent que la loi ne respectait pas la décision Carter. En 2019, deux personnes handicapées (Nicole Gladu et Jean Truchon) contestent devant la cour supérieure du Canada la validité du critère de mort "RAISONNABLEMENT PREVISIBLE" et obtiennent gain de cause.
- Puis, vint la contestation de la "NECESSITE D'ETRE APTE" au moment de l'injection létale (Audrey Parker not.). En parallèle, l'accès aux personnes inaptes était déjà discuté presque depuis le début au Québec, la figure de proue de cet élargissement en étant Sandra Demontigny.
- A cela s'ajoutent des parents militant pour l'éligibilité de leur enfant handicapé ou malade.La MALADIE MENTALE cause d'aide médicale à mourir est sans cesse repoussée, votée en 2024 elle est reportée pour son application à 2027.
- La prochaine étape résidera probablement dans les DEMANDES ANTICIPEES SANS NECESSITE d'un diagnostic tel que recommandé par la Chambre des notaires du Québec depuis 2012. Les spécialistes canadiens estiment que cette dernière phase pourrait être atteinte d'ici 5 à 10 ans maximum.
- Le Québec, en 10 ans, est devenu 1er mondial en matière d'aide à mourir avec 7,3 % des décès (ce qui projeté à la population française donnerait 45 000 décès par an par aide à mourir)
- La France envisageant une loi qui ne précise pas que l'aide soit médicale ("Droit à l'aide à mourir") pourrait rattraper le Canada rapidement, par le recours à un "proche" pour réaliser l'euthanasie, comme l'envisageait le précédent projet de juin 2024 avant dissolution...
Dans le projet de loi visant à modifier le Code Criminel du Québec il serait notamment proposé "d'abroger la disposition exigeant que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible pour être admissible à l’aide médicale à mourir", ce qui dépénaliserait encore davantage la pratique de l'euthanasie ! Pour finir, il risque de ne plus y avoir le moindre critère médical pour la justifier.
Au Canada, l’aide médicale à mourir a représenté 4,7 % des décès en 2023, soit plus de 15 000 personnes. Une hausse de 16 % par rapport à l’année précédente, selon les données gouvernementales. Au Canada, l’euthanasie représente désormais une mort sur 20.
Plusieurs facteurs expliquent cette progression : (Louis-André Richard Atlantico)
- Banalisation terminologique, avec l’expression « aide médicale à mourir », qui masque la gravité éthique de porter atteinte à la vie humaine.
- Montée de l’autonomie individuelle, perçue comme une extension des libertés, mais qui interroge profondément notre rapport collectif au soin et à la solidarité (Canada : L’aide médicale à mourir (AMM) et handicap : quand l’acceptabilité sociale se confronte aux faits).
Dans une étude de Choi et al. publiée en 2024, le décalage entre la législation canadienne actuelle et l’image que les Canadiens ont de l’aide médicale à mourir a été mis en lumière. Seulement 20 % des Canadiens sauraient qu’un diagnostic de maladie terminale n’est pas requis pour recourir à l’AMM. En effet, en 2019, le jugement Beaudoin a ouvert la voie à l'accès à l'aide médicale à mourir pour des personnes souffrant de maladies graves et incurables, mais pas en condition de "mort naturelle raisonnablement prévisible". Depuis le 7 mars 2024, si une personne au Québec souffre d'un handicap psychomoteur grave, entraînant des incapacités significatives et persistantes, elle peut désormais demander l'aide médicale à mourir. (post d’Ariane Plaisance annonçant son article le 27 mai 25)
Handicap
Au Canada, une personne vivant avec un handicap physique ou une maladie chronique grave peut légalement accéder à l’aide médicale à mourir (AMM) même si son décès n’est pas imminent. En effet, le jugement Baudouin de la Cour supérieure du Québec a invalidé, le 11 septembre 2019, la condition d’admissibilité à l’aide médicale à mourir exigeant que la personne soit « en fin de vie ».
Pour certains, l’admissibilité des personnes ayant un handicap physique à l’AMM incarne la reconnaissance du droit à l’autodétermination. Pour d’autres, notamment des groupes de défense des droits des personnes handicapées, il normalise une solution létale à des problèmes d’inaccessibilité, de pauvreté et d’isolement social, alors même que les services d’aide à vivre et de soins palliatifs sont défaillants.
Méconnaissance
Le fait que les personnes handicapées soient admissibles à l’AMM est largement méconnu des Canadiens. Selon une étude de Choi et al. publiée en 2024, seulement 20% des Canadiens savent qu’un diagnostic de maladie terminale n’est pas requis pour recourir à l’AMM. Dans cette étude, 2 140 adultes canadiens ont été recrutés du 8 au 23 août 2023. Un échantillonnage par quotas a été utilisé pour refléter la population du recensement de 2021 selon l’âge, le genre, la province, le niveau d’études et le revenu. La collecte de données reposait sur une enquête en ligne utilisant des vignettes pour tester l’acceptabilité de l’AMM dans des cas concrets de refus de traitement pouvant prolonger la vie (ex : chimiothérapie) ou de manque de ressources (ex : manque de logement adapté au handicap ou aux moyens financiers). L’analyse combine des statistiques descriptives et des tests de tendance afin de lier les connaissances de la loi, les caractéristiques sociodémographiques des répondants et le soutien à l’AMM.
Sans être exposé à des cas concrets, 73% des répondants appuient l’AMM. Le pourcentage d’appui diminue radicalement quand le répondant est face à une situation concrète. Dans le cas d’un refus de traitement pouvant prolonger la vie, l’appui est de 23% et dans le cas d’un manque d’accès aux ressources, l’appui est de 22%. L’étude met en évidence un décalage entre la législation canadienne, de plus en plus permissive, et l’image que les Canadiens ont de l’AMM. Au Québec, l’acceptabilité sociale a certes été établie avant la légalisation de l’aide médicale à mourir en 2015. Par contre, les critères d’admissibilité ont beaucoup changé depuis. Lorsque l’on confronte les citoyens à des situations concrètes où les personnes sont admissibles à l’aide médicale à mourir (manque de soins, précarité, refus de traitements) l’acceptabilité sociale chute.
(Ariane Plaisance, Qulysis.com, juin 2025)
Progressions/régressions :
- 22e mondial en soins palliatifs (2022) : La dégradation de la qualité des soins palliatifs depuis la dépénalisation (2016) a fait passer le Canada (leader mondial en soins palliatifs dans les années 1990) à la 22e place mondiale.
- Québec : 1er mondial en euthanasie (2022) avec près de 8 % des décès.
C’est ce que les spécialistes (P.L. Turcotte et T. Lemmens) appellent : La normalisation troublante de la mort médicalement administrée au Québec et au Canada.
Elargissements :
- 2021 : La loi n'exige plus que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible pour qu'une personne soit admissible à l'aide médicale à mourir (AMM) (MAID : medical assistance in dying). À compter du 17 mars 2021, une personne qui souhaite recevoir l'AMM doit satisfaire aux critères d'admissibilité suivants : être âgée d'au moins 18 ans et avoir la capacité de prendre des décisions.
- 2023 : Au Canada, la loi sur l'aide médicale à mourir doit être élargie aux patients souffrant de maladies mentales (toxicomanes). Une dérive eugéniste est dénoncée et inquiète.
- 2024 : Le 30 janvier 2024, le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir (AMAD) a considéré que « le système de santé au Canada n’est pas prêt pour l’aide médicale à mourir lorsque le trouble mental est le seul problème médical (AMM TM-SPMI) ».
Trudo Lemmens en 2025 s'inquiète de voir l'euthanasie devenir une thérapie médicale (le "soin ultime" devient un traitement médical).
Documentation
Trudo Lemmens : Euthanasia as Medical Therapy in Canada
Evolution du droit québécois de l’AMM :
Rapport sur les troubles mentaux
Nouveaux nés : faux : 20 minutes
The Globe 4 nov. 2023 et step back on Ottawa needs to withdraw itsamendments that include mental illness in the law for medically assisted death.
Cambridge University Press
- 18 juil 2023
- Tuffrey-Wijne, I., Curfs, L., Hollins, S., & Finlay, I. (2023). Euthanasia and physician-assisted suicide in people with intellectual disabilities and/or autism spectrum disorders: Investigation of 39 Dutch case reports (2012–2021). BJPsych Open, 9(3), E87. doi:10.1192/bjo.2023.69
22e rang Canada
Canada : poids social
Normalisation : P. Turcotte et T. Lemmens : La normalisation troublante de la mort médicalement administrée au Québec et au Canada.
Chiffres 2023 Atlantico
