Belgique

Peut-on parler d’un modèle belge en matière de fin de vie ?
G
lossaire
Dernière mise à jour : 12/13/2025
2002 : dépénalisation de l’euthanasie : sortie du code pénal, permission « exceptionnelle » pour des souffrances physiques, psychiques… Non limité à la fin de vie (pas de référence à un décès proche).
La Belgique a consacré 3 lois distinctes à la fin de vie :
- 2002 : loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie
- 2002 : loi du 14 juin 2002 relative aux soins palliatifs
- 2002 : loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient
2014 : extension aux mineurs sans limite d’âge — loi du 28 février 2014 étendant l’euthanasie aux mineurs : elle ne concerne que les cas de souffrances physiques constantes et insupportables, liées à une maladie grave et incurable, avec un décès attendu à brève échéance. De plus, le mineur doit être capable de discernement. Cette capacité doit être évaluée par un pédopsychiatre ou un psychologue, et le consentement des parents est nécessaire.
2020 : hôpitaux et établissements ont obligation de laisser un médecin pratiquer une euthanasie en leurs murs, doivent en indiquer un en moins d’une semaine au patient demandeur.
Commission de contrôle a posteriori (CFCEE)
Le contrôle porte sur les déclarations des médecins ; en 20 ans, aucune euthanasie n’a été considérée comme illégale par la CFCEE…
Le seul dossier discutable relevé a été considéré comme n’étant pas une euthanasie car le soignant avait remis un verre au patient. Le dossier a donc été qualifié de suicide assisté et non d’euthanasie.
Pourtant, le recueil du consentement serait discutable dans 25 % des cas et la moitié des aides à mourir pratiquées ne respecteraient pas le protocole.
L’Ontario connaît le même travers (non corrigé…) : « Les organismes de réglementation de l'euthanasie de l'Ontario ont recensé 428 cas d'infractions criminelles potentielles et n'ont renvoyé aucun cas à la justice, selon des documents divulgués. » (Procédures non respectées, capacité à consentir incertaine, utilisation erronée des produits...) Et pourtant l'Ontario est l’État considéré comme le plus « observant » de la loi canadienne.
Une loi du 28 mars 2024 remédie au problème de l’indépendance de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation relevé par la Cour européenne (après l'arrêt Mortier de 2022), en supprimant l’anonymat du médecin ayant pratiqué l’euthanasie et des personnes ayant été consultées. Ces personnes ne pourront, désormais, plus siéger au sein de la Commission lorsqu’elle examine des actes auxquels elles ont pris part.
2022-2023 : le rapport de la commission belge — Rapport CFCEE 2022-2023 (PDF) :
Il fait apparaître 2 évolutions intéressantes en dehors de l'augmentation du flux des étrangers : l'augmentation des polypathologies et celle des décès qui ne sont pas à brève échéance. C'est l'une des inquiétudes les plus fortes que suscite l'évolution de ces législations mortifères, à savoir le passage progressif de ce qui était présenté comme une « exception » pour des malades en phase terminale à une pratique sur des personnes qui ne sont pas appelées à mourir à brève échéance. Le taux de ces euthanasies est de 20 % en Belgique désormais. Cela montre bien là aussi le changement qui s'opère insidieusement.
Sigrid Sterckx, une scientifique favorable à l’euthanasie, relève les défaillances récurrentes du contrôle a posteriori belge (CFCEE).
Pas de collégialité : un médecin sollicite l’avis d’un autre (qui peut être opposé, mais l’important c’est que le premier médecin ait sollicité un avis). Si le second médecin ne répond pas, le premier doit solliciter un autre confrère jusqu’à avoir une réponse, peu importe laquelle ; le second avis n’est pas contraignant. (Cette approche « individuelle » est peu compatible avec la culture du collectif français qui se retrouve notamment en soins palliatifs).
Polypathologies (vieillesse) : cette condition est mal encadrée. Il est possible de cumuler diverses pathologies non insupportables, non létales (arthrose, migraines, palpitations cardiaques, dépression, surdité, ostéoporose…) et de demander alors une euthanasie.
Délai:
Un délai d'1 mois doit être respecté. Le médecin (seul habilité à euthanasier) devra remplir un formulaire à l'issue de la procédure et le déposer sous 4 jours auprès de la CFCEE.
Dans l’affaire Mortier (2022), la Cour EDH a reproché à la Belgique (après l’euthanasie d’une mère dépressive euthanasiée sans en informer son fils) la défaillance du contrôle a posteriori de l’euthanasie pratiquée (violation de l’art. 2 Conv. EDH reconnue à l’unanimité) malgré un bon respect des règles euthanasiques belges (concept d’autonomie personnelle).
Principe de la loi belge : Demande exprimée par un patient capable et conscient (demande actuelle) ou par déclaration anticipée (patient inconscient de manière irréversible). Dans les deux cas, seul le patient concerné peut demander l’euthanasie. Elle reste punissable si elle n’est pas accomplie par un médecin ou si le médecin ne respecte pas les conditions et procédure fixées par la loi.
L’euthanasie est un « acte (médical), pratiqué par un tiers (médecin), qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci ».
L’euthanasie n’est pas un droit. Le médecin est libre d’accepter ou de refuser de pratiquer une euthanasie. S’il refuse, il est tenu d’en informer en temps utile le patient ou la personne de confiance éventuelle en précisant les raisons de son choix. Le patient peut alors se tourner vers un autre médecin.
Demande actuelle
Dans le cas d’une demande actuelle, le patient doit, au moment de sa demande :
- être capable d’exprimer sa volonté et conscient ;
- se trouver dans une situation médicale sans issue ;
- faire état de souffrance physique et/ou psychique constante, insupportable et inapaisable ; cette souffrance résultant d’une affection accidentelle ou pathologique grave ou incurable.
Cette demande doit être faite de manière : volontaire, réfléchie, répétée, sans pression extérieure.
En 2014, cette demande actuelle a été élargie aux mineurs d’âge non émancipés. Le patient mineur d’âge qui souhaite demander l’euthanasie doit être doté de la capacité de discernement, faire état de souffrances physiques (les souffrances psychiques ne sont pas prises en compte pour les mineurs d’âges) et doit, en outre, se trouver dans une situation médicale sans issue entraînant le décè
Déclaration anticipée
Toute personne majeure ou mineure émancipée peut également rédiger une déclaration anticipée. Il s’agit d’un document écrit par lequel une personne donne son accord pour qu’un médecin pratique à l’avenir une euthanasie dans les conditions fixées par la loi dans l’hypothèse où cette personne ne pourrait plus manifester sa volonté car inconscient de manière irréversible (coma ou état végétatif). Le médecin qui pratique une euthanasie sur base d’une déclaration anticipée doit préalablement constater :
- que le patient est atteint d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable ;
- que le patient est inconscient (coma ou état végétatif) ;
- et que cette situation est irréversible selon l’état actuel de la science. Cette déclaration anticipée n’est pas accessible aux mineurs d’âge (Health Belgium).
Soins palliatifs : Le développement des soins palliatifs est un enjeu crucial pour répondre à la demande des patients et le manque de financement est le principal frein. « Le nombre de lits de soins palliatifs stagne depuis 1990 ». Les SP ne représentent que 0,65 % des dépenses de santé (Dr O. Mermet, sept. 2024).
Impact sur les soignants : Le poids psychique et psychologique de l’acte létal est peu pris en compte par le système belge (et pas plus évoqué dans les réflexions françaises). Des formations des soignants existent, gérées par l’ADMD (End of life). Pourtant les soignants signalent qu’il s’agit d’un acte très difficile à accomplir. Les rares médecins acceptant d’euthanasier des personnes placent ces actes le plus souvent en fin de journée ou en fin de semaine pour se ménager un temps de récupération.
Statistiques : + 15 % en 2023
CFCEE : « Le nombre de documents d’enregistrement reçus en 2023 a été de 3423. Le nombre d’euthanasies enregistrées a augmenté de 15 % par rapport à 2022. La proportion de décès par euthanasie déclarés en 2023 a été de 3,1 % (contre 2,5 % en 2022) de l’ensemble des décès dans notre pays (source StatBel 25.01.2024). »
Selon le Conseil de l’Europe (2025), il a été remédié à l’indépendance de la CFCEE :
Documentation
Cour EDH (troisième section), AFFAIRE MORTIER c. BELGIQUE, 4 octobre 2022, n° 78017/17.
S. Sterckx, K. Raus, B. Vanderhaegen, “Euthanasia in Belgium: Shortcomings of the Law and Its Application and of the Monitoring of Practice.” J Med Philos. 2021;46(1):80–107. doi:10.1093/jmp/jhaa031. PMID: 33491735.
Alliance VITA — “Euthanasie économique (Belgique)”:
Fr. Judo, “La législation sur l’euthanasie aux Pays-Bas et en Belgique : un train peut en cacher un autre”, Laennec 2013/2 (Tome 61), pp. 69–79.
Health Belgium — SPF Santé publique (page euthanasie):
CFCEE (Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie) — page de présentation
CFCEE — communiqué chiffres 2023
CFCEE — Rapport 2022–2023 (PDF):
Conseil de l’Europe — fin de la supervision (indépendance de la CFCEE)
Soins palliatifs — Fondation Ginette Louviaux (Carte blanche dans La Libre Belgique):
Ontario — comparaison (MAID, conformité)
