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Arrêt des traitements

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Est-ce tuer ou euthanasier que d’arrêter les traitements ?

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lossaire

Dernière mise à jour : 10/26/2025

L’arrêt des traitements ne veut pas provoquer la mort, il acte seulement une cessation de la poursuite curative d’un traitement.

C. Fourcade : « Le droit pour un patient d'arrêter tout traitement, c'est l'article 1 de la loi Leonetti sur la fin de vie. Un article essentiel : c'est le patient qui sait et qui décide ce qui est bien pour lui. Nous, les soignants, devons lui donner les informations nécessaires pour faire ses choix, être là pour l'accompagner quoi qu'il décide et tisser un lien de confiance suffisamment fort pour qu'une décision d'arrêt de traitement ne rime jamais avec solitude ou abandon. Un patient peut décider d'arrêter un traitement, nous ne pouvons jamais arrêter de prendre soin. »

 

Oppositions familiales :

Un certain nombre de situations relevant de l’arrêt des traitements, demandé presque toujours par les soignants, en collégialité, est porté devant la justice par des membres de la famille qui s’y opposent. C’est le cas en France comme à l’étranger. Ces « affaires » concernent des bébés (Marwa (2017), Charlie Gard (CEDH 2017)), des adolescents (Inès, 14 ans, 2018) ou des personnes vulnérables (V. Lambert, CE 2014).

 

Les proches dans la procédure collégiale : CE, 4 juillet 2025, n° 482689

Le non-respect de la procédure collégiale prévue par l’article R. 4127-37-2 du Code de la santé publique constitue une faute, engageant la responsabilité de l’établissement de santé. Si un établissement : - ne réunit pas une concertation médicale collégiale (avec un médecin extérieur à l’équipe), - n’informe pas en temps utile les proches du patient (ou la personne de confiance, ou le tuteur), - et n’associe pas ces derniers à la réflexion sur la décision médicale, ... alors les proches peuvent être indemnisés, pour leur chagrin et pour un préjudice moral autonome (avoir été exclus d’une décision cruciale, sans information ni prise en compte de la volonté du patient). Les procédures collégiales doivent replacer les proches au cœur du processus décisionnel.

 

Psychologie

Les parents sont les principaux opposants. Dans l’affaire Lambert, l’épouse était favorable à l’arrêt. Les psychologues l’expliquent par le fait que la mère donne la vie et ne supporte pas cet état anormal des choses où l’enfant va mourir avant son auteur. L’affectif maternel est renforcé par la position du patient replié parfois sur le lit qui rappelle une position fœtale.

Le conjoint, lui, est plus tourné vers le futur et la vie adulte du patient.

Le Droit ne choisit pas entre les membres de la famille pour poser une hiérarchie. En l’absence de conscience et de directives anticipées de la personne (CSP, art. L. 1111-11), la demande de l’un a autant de poids que la demande de l’autre.

 

Directives anticipées/arrêt des traitements :

L’avis médical est important cependant et les directives ne peuvent tout imposer. Le constat actuel est qu’il n’y a pas de contentieux où une personne demanderait l’arrêt des traitements dans ses directives et le Droit s’y opposerait (après avoir été saisi par les soignants).

 

Maintien en vie :

A l’inverse de l’arrêt des traitements, une demande de « maintien en vie » dans des directives peut être écartée si les soignants la jugent « manifestement inappropriée » (QPC 10 nov. 2022 – CE 19 août 2022). Pour autant, l’arrêt des traitements ne veut pas provoquer la mort, il acte seulement une cessation de la poursuite curative d’un traitement.

 

Exemple pratique :

Si j’accepte l’arrêt de la dialyse de ma mère incurable, j’accepte un arrêt des traitements (autorisé par la loi depuis 2005).

Ce n’est pas une euthanasie ; euthanasier, c’est injecter une substance mortelle à effet immédiat.

 

Distinction soin/traitement :

Le Conseil d’Etat en 2014 à l’occasion de l’affaire Lambert a posé la distinction entre soin et traitement sur la question de l’hydratation et de la nutrition. Les soins seront poursuivis médicalement sur une personne jusqu’à sa mort quand les traitements (curatifs) de la pathologie principale dont est atteinte la personne mourante seront arrêtés s’ils confinent à l’obstination déraisonnable (CSP, art. L.1110-5-1, L. 1110-5-2 et R. 4127-37).

Cette distinction soin/traitement se retrouve dans la loi Claeys-Leonetti de 2016 à l’article L. 1110-5-1 CSP :

« Les actes mentionnés à l'article L. 1110-5 ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté, à l'issue d'une procédure collégiale définie par voie réglementaire. La nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements qui peuvent être arrêtés conformément au premier alinéa du présent article. Lorsque les actes mentionnés aux deux premiers alinéas du présent article sont suspendus ou ne sont pas entrepris, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins palliatifs mentionnés à l'article L. 1110-10. »

 

Code de déontologie médicale :

Article 37-2 (article R.4127-37-2 du code de la santé publique)

I. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement respecte la volonté du patient antérieurement exprimée dans des directives anticipées. Lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, la décision de limiter ou d'arrêter les traitements dispensés, au titre du refus d'une obstination déraisonnable, ne peut être prise qu'à l'issue de la procédure collégiale prévue à l'article L. 1110-5-1 et dans le respect des directives anticipées et, en leur absence, après qu'a été recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient.

 

II. - Le médecin en charge du patient peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. Il est tenu de le faire à la demande de la personne de confiance, ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches. La personne de confiance ou, à défaut, la famille ou l'un des proches est informé, dès qu'elle a été prise, de la décision de mettre en œuvre la procédure collégiale.

 

III. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale. Cette procédure collégiale prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. L'avis motivé d'un deuxième consultant est recueilli par ces médecins si l'un d'eux l'estime utile. Lorsque la décision de limitation ou d'arrêt de traitement concerne un mineur ou une personne faisant l'objet d'une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, le médecin recueille en outre l'avis des titulaires de l'autorité parentale ou du de la personne chargée de la mesure, selon les cas, hormis les situations où l'urgence rend impossible cette consultation.

 

IV. - La décision de limitation ou d'arrêt de traitement est motivée. La personne de confiance, ou, à défaut, la famille, ou l'un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d'arrêt de traitement. La volonté de limitation ou d'arrêt de traitement exprimée dans les directives anticipées ou, à défaut, le témoignage de la personne de confiance, ou de la famille ou de l'un des proches de la volonté exprimée par le patient, les avis recueillis et les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient.

 

Perspectives d’évolution ?

Des conditions strictes sont à respecter, le Conseil d’État, statuant comme juge des référés, a pu suspendre une décision médicale d’arrêt des soins et traitements prodigués à une personne inconsciente dans l’attente d’une expertise médicale ordonnée pour fournir au juge toutes indications utiles, en l’état de la science, sur les perspectives d’évolution de l’état de santé du patient (CE 10 janv. 2024, n° 490403).

 

Limitation des traitements

Une procédure collégiale de limitation ou d’arrêt des soins pour obstination déraisonnable n’évite pas toujours les dérapages. Par un jugement du 2 août 2024, le Tribunal administratif de Melun a suspendu l’exécution de la décision d’une équipe médicale d’un hôpital public de procéder à une limitation des soins prodigués à une personne atteinte de trisomie 21, et de ne pas procéder à sa réintubation en cas de détresse respiratoire consécutive à son extubation (TA Melun, 2 août 2024, n° 2409481).

Documentation

Loi « Claeys-Leonetti » n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie

 

Jurisprudence:

  • TA Melun, 30 sept. 2025 (Teboul c/ IGR, n° 2512321) et ord. 2 sept. 2025
  • Limitation des traitements : TA Melun, 2 août 2024, n° 2409481
  • CE, Ass., 24 juin 2014, Mme Lambert, n° 375081, 375090
  • Refus d’appliquer les directives par le médecin : Décision n° 2022-1022 QPC du 10 novembre 2022
  • Mme Zohra M. et autres [Refus du médecin d’appliquer des directives anticipées manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient]
  • Directives inappropriées : CE 19 août 2022, n° 466082
  • CE 10 jan. 2024

 

C. Fourcade (LinkedIn, 24 oct. 2024)

F. Vialla : Incertitudes autour de l'arrêt de traitement RDS, 01/05/2017, n°77, p. 409-413 ; Arrêt de traitement - premières applications de la loi du 2 février 2016, RDS 2017, n°75, p. 88.

 

X. Bioy : Arrêt des traitements en fin de vie : le Conseil d’Etat face aux lacunes de la loi du 2 février 2016, note sous, CE, 6 décembre 2017, n° 416689 , AJDA, Dalloz, n° 10, 2018

 

Le Conseil constitutionnel et l'arrêt des traitements médicaux, AJDA, N° 33, 2017, p. 1908.

A. Boulanger : Les directives anticipées et le désir de maîtrise de sa fin de vie, Médecine & Droit, 2017, n° 146-147, p. 136 à 140.

 

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