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Que nous apprennent les affaires médiatisées sur la fin de vie ?
G
lossaire
Dernière mise à jour : 10/20/2025
Diverses affaires ayant trait à la fin de vie sont portées à la connaissance du public sans toujours éclairer sur les enjeux juridiques qu’elles comportent. Parmi elles, peuvent évoquées les affaires suivantes :
Dr Bonnemaison : Ce médecin urgentiste eut recours à l‘Hypnovel et au Norcuron en dehors d’un processus de collégialité sur certaines patients sans que leur accord ait pu être clairement établi. Acquitté par la cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques en 2014, il avait été condamné à deux ans d’emprisonnement avec sursis par la Cour d'assises d'Angers en 2015. Le médecin a été radié de l’Ordre des médecins en 2019.
V. Humbert : Vincent Humbert est un jeune homme devenu tétraplégique, aveugle et muet, après un accident de la route. Il rédige une requête « Je vous demande le droit de mourir » au président de la République Jacques Chirac, afin d'abréger ses souffrances « et celles qu'il perçoit chez sa mère ».
En septembre 2003, sa mère lui administre d'importantes doses de pentobarbital de sodium le plongeant dans un coma profond. Deux jours plus tard, le médecin décide d'arrêter toute mesure de réanimation et d'injecter du chlorure de potassium, entraînant le décès du patient. Le procureur ouvre une information judiciaire visant Marie Humbert pour « administration de substances toxiques commise avec préméditation et sur personne vulnérable » et le médecin pour « empoisonnement avec préméditation ». En 2006, est rendue une ordonnance de non-lieu.
La loi « Leonetti » de 2005 a été votée dans le sillage de cette affaire.
V. Lambert (v. ce mot)
Vincent Lambert âgé de 32 ans se retrouva en état végétatif à l‘issue d’un accident de la route en 2008. En 2011, les médecins du CHU de Reims décidaient de suspendre les traitements du patient, en accord avec son épouse (et en l’absence de directives anticipées connues). Les parents s’opposèrent avec force à cette décision. Après de multiples épisodes judiciaires, familiaux, médicaux et médiatiques, le décès de V. Lambert eut lieu en juillet 2019.
Le Conseil d’Etat a rendu en 2014 une décision qui a été ensuite reprise dans la loi Claeys Leonetti de 2016 (CSP, art. L. 1110-5-1).
Les amants du Lutetia en 2013, un couple d'octogénaires se suicide (asphyxiés avec un sac) dans le palace parisien et laissent une lettre revendiquant un droit à l’euthanasie. Il s’agirait d’avoir le droit d’être euthanasié quand on vieillit.
Christine Malevre : En 1997 une infirmière euthanasie à l’hôpital six patients (pas nécessairement en soins palliatifs et sans que soit établi qu’ils aient demandé ce geste), elle sera condamnée à douze ans de détention pour avoir volontairement provoqué la mort de six patients (homicides).
Pallot : Cour d’assises de Troyes, 30 oct. 2024 : acquitté (mais coupable d’assassinat : préméditation + homicide volontaire), l’avocat général avait requis 8 ans. Il avait étranglé sa femme en 2021 avec un fil électrique pendant 20 minutes. Ont été invoquées : l’irresponsabilité (il était au plus en partie dépressif), la contrainte (personne ne l’a forcé).
Chantal Sébire : Atteinte d’une tumeur aux sinus, Chantal Sébire milite pour l’ADMD. Elle demande à la justice ainsi qu'au président de la République française, Nicolas Sarkozy, « le droit de mourir dans la dignité ». Elle est retrouvée « suicidée » à son domicile alors qu’elle annonçait être contre l’idée du suicide en 2008. « Le généticien Axel Kahn, membre du Comité national d'éthique, rapporte que Chantal Sébire a refusé aussi bien une opération, qui aurait eu de fortes chances de réussite, que toute forme de médicament (y compris la morphine), qu'elle considérait comme « du poison », pour leur préférer la seule homéopathie » (Wikipedia).
Nice : un mari (87 ans) tue sa femme de 88 ans atteinte d’un cancer pour abréger « ses » souffrances (octobre 2023), il ne supportait plus l’état dans lequel elle se trouvait. Cette décision prise seul, sans solliciter l’accord de sa femme, peut être qualifiée de crime (meurtre ou assassinat selon qu’il y a préméditation ou non) en analyse juridique technique. Le procès devra notamment déterminer quelles souffrances étaient en cause : les siennes (insupportabilité de l’état de sa femme) ou celles de sa femme ?
Vétérinaire et SLA d’un ami : L’état de nécessité a été invoqué dans une affaire relevant de l’assistance au suicide : le tribunal correctionnel d’Angers a relaxé (le 2 mai 2022) un vétérinaire jugé pour « faux et usage de faux » après avoir rédigé de fausses ordonnances. Les documents falsifiés devaient permettre à l’un de ses amis atteint de la maladie de Charcot de se procurer des médicaments létaux normalement dédiés aux animaux, et de mettre fin à ses jours. Le juge a décidé de retenir « l’état de nécessité » et de mettre le vétérinaire hors de cause. Le Parquet a fait appel de la relaxe. Le vétérinaire a été reconnu coupable en appel, mais dispensé de peine le 30 novembre 2023.
Avec la fin de vie (normalement) et la nécessité médicale, le droit des biens a disparu du paysage, seul l’humain est considéré, sa vie est en jeu.
En revanche, et paradoxalement, la vie n’est pas en « danger » dans la fin de vie, mais la nécessité est invoquée pour y mettre fin !
A l’étranger :
Allemagne, Un infirmier allemand est reconnu responsable de 85 meurtres et condamné, jeudi, à la détention à perpétuité (juin 2019).
Grande-Bretagne :
Alfie Evans : « Liverpool 2018. Le petit Alfie Evans (23 mois), atteint d'une pathologie neurodégénérative rare et pour laquelle il n'existe pas de traitement, était au cœur d'une bataille judiciaire en Grande-Bretagne. La justice britannique avait rejeté plusieurs recours formulés par ses parents et visant à une poursuite de son maintien en vie en Italie, pays qui venait de lui accorder sa nationalité. Un établissement de Rome avait fait savoir qu'il était prêt à l'accueillir. »
Charlie Gard : un bébé de 10 mois est atteint d’une maladie mitochondriale. L’hôpital britannique souhaite arrêter la respiration artificielle de l’enfant et dispenser des soins palliatifs contre l’avis des parents qui espèrent pouvoir accéder à un traitement expérimental aux États-Unis. Les jugent considèrent que l’enfant souffrait de douleurs impossibles à soulager et que les soins expérimentaux ne lui procureraient aucun avantage. Il meurt en 2017 à moins d’un an, les médecins ayant retiré l’assistance respiratoire.
Suisse :
"En confirmant la conformité au droit fédéral de l’acquittement de l’ancien président d’Exit Suisse romande pour avoir prescrit du natrium pentobarbital (NAP) à une femme de 86 ans en bonne santé, mais désireuse de mourir, le Tribunal fédéral a tranché une affaire hautement controversée, mêlant droit et éthique. Le Professeur Thommen de l’Université de Zurich commente l’arrêt TF 6B_393/2023 du 13 mai 2024".
Documentation
Dr Bonnemaison : Cour d’assises d’appel Maine et Loire, 24 oct. 2015
V. Lambert : CE, Ass., 24 juin 2014, Mme Lambert, n° 375081, 375090 : CE, 24 avril 2019 n° 428117 légalité de la décision d’interrompre les traitements de M. Vincent Lambert : L'affaire Vincent Lambert - l'épilogue au niveau européen ? Dossier Gr. PUPPINCK, Cl. DE LA HOUGUE ; Fr. Vialla, Revue générale de droit médical, Les Etudes Hospitalières (LEH), 01/09/2015, n°56, p. 17-7 ; Chronique d’une mort dénoncée (décès de V. Lambert) (A. Cheynet de Beaupré, D. 2019 , Point de vue, p. 1458).
Chr. Malèvre : Cour d’assises de Versailles, 31 janv. 2003
Chantal Sébire : Wikipédia
Nice : BFM tv, podcast « affaire suivante », J. Chevalier et A. Cheynet de Beaupré
Charlie Gard et autres c/ R.U., CEDH 28 juin 2017, req. n° 39793/17
L’acquittement pénal, la radiation disciplinaire et la tentation euthanasique (CE 11 oct. 2017, Dr Bonnemaison) (A. Cheynet de Beaupré, 2018, RDSanté, n° 81, p. 76)
Quand les juges font face à la zone grise tragique de la fin de vie (Le Monde, 30 janvier 2023., H. Secqel)
Alfie Evans : La dépêche, 29 avr. 2018
Suisse : acquittement Exit
